QUéBEC SE DéCIDERA SUR L’IMPôT SUR LES GAINS EN CAPITAL D’ICI LA FIN DE LA SEMAINE

Le ministre québécois des Finances, Eric Girard, décidera d’ici la fin de la semaine si le Québec augmentera lui aussi l’imposition des gains en capital, comme le fera Ottawa à compter de la fin juin. M. Girard a estimé mercredi qu’une telle harmonisation pourrait rapporter trois milliards de dollars au Québec sur cinq ans.

« Historiquement, le Québec a toujours été harmonisé au niveau des règles de gains de capital — toujours —, et c’est pour des raisons de cohésion entre le régime fiscal du Québec et du fédéral », a-t-il expliqué. Il s’est engagé à annoncer les intentions du Québec « d’ici la fin de la semaine ».

M. Girard a rappelé que toutes les provinces « vont s’harmoniser automatiquement » à Ottawa, à l’exception de l’Alberta pour l’impôt des corporations. « Vous savez, c’est une hausse de revenus, c’est une hausse d’impôt. On veut voir c’est quoi l’ampleur de la mesure, qu’est-ce que ça va nous donner, confirmer tout ça », a ajouté celui qui a signé son plus récent budget à l’encre rouge.

Dans son budget déposé mardi, la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, propose une augmentation de l’impôt sur les gains en capital à compter du 25 juin. Pour les particuliers réalisant un gain de plus de 250 000 $, l’impôt s’appliquerait sur les deux tiers de la valeur du gain, et non plus sur la moitié. Le taux d’inclusion passerait aussi de la demie aux deux tiers pour les sociétés et fiducies, sans niveau plancher cependant.

En mêlée de presse, M. Girard a dit craindre qu’Ottawa surestime les gains que pourrait apporter la majoration proposée par Mme Freeland. « On a été surpris, le fédéral semble faire plus d’argent qu’on pensait. Il y en a moins au Québec, on veut vérifier les calculs », a-t-il lancé. Ottawa calcule que l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital pourrait lui rapporter 19,3 milliards sur cinq ans.

L’économiste en chef et stratège pour le Mouvement Desjardins, Jimmy Jean, a exprimé une crainte semblable, disant croire que le budget fédéral « repose sur beaucoup d’espoir ». « Dans les faits, on vise des contribuables qui, on le sait, sont très sophistiqués fiscalement. Et cette richesse-là peut être déplacée très rapidement, très rapidement », a-t-il dit au Devoir.

Pas les résidences principales

Au lendemain du budget fédéral, le premier ministre Justin Trudeau a fait de cette mesure le point central de son discours devant les députés de son caucus.

« Nous ne pensons pas qu’il soit juste qu’un enseignant ou un électricien paie des impôts sur 100 % de leurs revenus, alors qu’un multimillionnaire ne paie des impôts que sur 50 % des revenus passifs qu’il génère grâce aux gains en capital. Alors, nous allons leur faire payer un peu plus », a déclaré le premier ministre sous une salve d’applaudissements.

Cette taxe ne s’appliquera pas aux revenus tirés des ventes de résidences principales, a promis M. Trudeau. « Ceux qui seront touchés par cette mesure sont ceux qui ont profité d’une économie qui semble pencher en leur faveur, au détriment des autres, notamment des jeunes. » Selon les projections d’Ottawa, la hausse de l’imposition du gain en capital concerne environ 40 000 personnes, soit 0,13 % de la population.

De retour à Québec, le ministre Girard a qualifié le budget Freeland de « dépensier ». « Je fais référence au taux de croissance des dépenses, en 2024-2025, de 6,5 %. Ça, ça pourrait avoir l’effet, si ça ne retarde pas le début des baisses de taux de la Banque du Canada, de réduire l’ampleur des baisses de taux », s’est-il inquiété. « Donc, ce stimulus fiscal, ce niveau de dépenses importantes en 2024-2025, c’est une incohérence, une erreur au niveau de l’harmonisation entre la politique fiscale et la politique monétaire. Je pense que c’est un budget qui est dépensier », a-t-il observé.

Jimmy Jean estime pour sa part que si la hausse des dépenses publiques ajoute de l’activité économique — et donc de l’inflation — , cela n’indique pas nécessairement le retour à une période de surchauffe. La baisse annoncée des admissions de résidents non permanents sera désinflationniste vu l’impact négatif sur la croissance, indique-t-il.

Champs de compétences

La réaction au budget du ministre Girard a surpris la ministre fédérale du Tourisme, Soraya Martinez Ferrada, députée d’Hochelaga. « Je trouve ça quand même incroyable que les provinces nous critiquent de dépenser trop », a-t-elle lâché mercredi matin.

Questionnée sur les investissements dans les domaines relevant des compétences de Québec, notamment des milliards pour un programme d’alimentation scolaire et pour la construction de nouveaux logements, la ministre estime qu’il s’agit d’une responsabilité partagée. « On doit tous faire notre part. Nous, on fait un bon pas en avant et on demande aux provinces de faire la même chose », a-t-elle fait valoir.

Plusieurs mesures du budget fédéral de mardi — la mise en oeuvre d’un plan de logement, entre autres - ont été dénoncées par les provinces, qui les considèrent comme des ingérences dans leurs champs de compétence.

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