FEUX DE FORêT DE 2023 : LES IMPACTS ENCORE RESSENTIS PAR LES ENTREPRENEURS FORESTIERS

L’été est difficile pour plusieurs entrepreneurs forestiers, alors qu’ils vivent encore aujourd’hui avec les impacts des feux de forêt records de l’été dernier. Plusieurs ont dû retarder le remplacement de machinerie ou repousser des projets d’investissements. Ils réclament maintenant un programme d’aide permanent pour l’industrie en cas de feux de forêt.

C’est très difficile encore, laisse tomber l’entrepreneur forestier Robin St-Pierre, qui est propriétaire des entreprises Excavation Girard et Forestiers SGB, à Dolbeau-Mistassini.

Il a perdu près de 1 million de dollars l'été dernier, lorsque ses quelque 40 travailleurs se sont retrouvés en arrêt forcé pendant cinq semaines, au plus fort des feux de forêt, au nord du Lac-Saint-Jean.

Après cette paralysie des chantiers forestiers, l’entrepreneur a dû faire des choix difficiles pour planifier la saison actuelle. Il a par exemple dû reporter l’achat de nouveaux équipements.

On sait qu’en forêt, nous, il faut être assez performants. On renouvelle les équipements assez régulièrement. Ça fait qu’on est obligé de reculer, d’attendre un peu pour faire les investissements, exprime-t-il.

La situation ralentit le travail en forêt cet été. Vu qu’on a retardé de changer la machinerie, là on a plus de réparations à faire, explique-t-il.

Les réparations sollicitent davantage son équipe. On est obligé de mettre du monde supplémentaire dans le garage, ajoute-t-il.

Des projets d’investissement repoussés

L’entrepreneur, qui coupe du bois pour les scieries de Produits forestiers Résolu (PFR) à Girardville et à Mistassini, a aussi dû reporter ses projets d’expansion pour ses entreprises.

Présentement, ça va retarder mes projets de deux ans. Ça fait que, c’est pas si mal, mais deux ans, c’est beaucoup, concernant la forêt. C’est pour ça que ça nous fait mal, explique-t-il.

Il n’est pas le seul dans cette situation, constate l’Association québécoise des entrepreneurs forestiers. L’organisation a réalisé un sondage auprès de ses membres, pour mesurer l’impact des feux de forêt de l’été 2023 sur leurs activités.

Les pertes de revenus s’élèvent à près de 206 000 $ en moyenne auprès des répondants, dont près du tiers proviennent du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les entrepreneurs forestiers ont subi 26 jours d’arrêt de leurs opérations, en moyenne. Près de la moitié d’entre eux ont dû mettre des travailleurs à pied.

Un programme permanent demandé

Pour plusieurs entrepreneurs, les effets des pertes subies se feront encore sentir pendant les prochaines années, selon le porte-parole de l’organisation, Martin Bouchard.

L’organisation demande maintenant à Québec la mise sur pied d’un programme permanent qui permettrait de venir en aide rapidement aux entrepreneurs forestiers, lorsque des feux de forêt affectent leurs activités.

Les entrepreneurs, ce qu’ils demandent, ils ne demandent pas de cadeau. Ils demandent surtout d’être supportés, parce qu’il y a là une activité importante pour l’économie des régions. C’est pour eux une question de pérennité aussi, quand on subit des charges à plusieurs centaines de milliers de dollars, expose M. Bouchard.

Robin St-Pierre compare les mesures demandées aux programmes d’aide en cas d'inondation ou à la Financière agricole, qui permet aux agriculteurs de couvrir une partie des pertes, lorsque leurs récoltes sont affectées par les conditions météorologiques.

Un programme de prêts peu utilisé

Les programmes de prêts répondent difficilement aux besoins des entrepreneurs, dans ce genre de situation, remarque l’Association des entrepreneurs forestiers. Pour plusieurs, s’endetter davantage ne constitue alors pas une solution.

L’été dernier, Québec a déployé une aide de 50 millions de dollars sous forme de prêts. Selon le sondage réalisé par l’association, seulement 27 % des répondants ont déposé une demande.

Ils se sont tournés à part presque égale vers Investissement Québec et les MRC, qui se partageaient l’administration de l’aide financière.

Quarante-cinq membres de l’association ont répondu au sondage, sur les quelque 120 membres que compte l’organisation. Près de 45 % des membres sont au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Une aide peu probable d’Ottawa, selon Mario Simard

L’Association québécoise des entrepreneurs forestiers indique avoir transmis les résultats du sondage et ses demandes à Québec, mais également à Ottawa.

Les chances d’obtenir un soutien du gouvernement fédéral sont cependant minces, estime le député bloquiste de Jonquière, Mario Simard.

Le Bloc québécois avait pressé l’an dernier le gouvernement fédéral de mettre en place un programme d’urgence, aux côtés de l’association.

M. Simard craint que les difficultés financières causées par les feux de forêt, ajoutées au projet de décret d’urgence d’Ottawa pour protéger le caribou forestier, ne représentent un nouveau coup fatal pour des entrepreneurs forestiers.

Ce serait une catastrophe pour la Côte-Nord, ce serait une catastrophe aussi pour le Lac-Saint-Jean et ce serait une catastrophe pour un secteur d’activité économique qui est déjà fort affecté par les feux de forêt et par le conflit du bois d’oeuvre commercial avec les États-Unis, soutient-il.

Le projet de décret fédéral inquiète aussi des entrepreneurs comme Robin St-Pierre.

S’ils coupent la possibilité forestière comme ils le prédisent, c’est des régions comme la nôtre qui vont être impactées, beaucoup, beaucoup. Ce n’est pas rien que l'entrepreneur forestier. C'est les usines, c'est le transport, c'est les commerçants locaux. Ça peut faire mal à une région.

Selon l’estimation du Bureau du forestier en chef, le décret d’urgence pourrait priver la province de 1,4 million de mètres cubes de bois par année, ce qui représente 4 % de la possibilité forestière.

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