L’éTHIQUE EN IA MAINTENANT EN BANDE DESSINéE

Les conférences sur l’intelligence artificielle se ressemblent toutes. Toutes ? Pas nécessairement. En tout cas, pas quand une des principales conférencières invitées publie, pour illustrer une fois pour toutes les enjeux entourant la technologie, une bande dessinée sur le sujet.

Christiane Féral-Schuhl sera à Montréal lundi prochain pour participer au Sommet Influence, une conférence organisée par l’incubateur technologique Zù, fondé par Guy Laliberté. L’événement porte sur les défis que pose la mise au point d’une intelligence artificielle éthique et responsable. On s’aperçoit bien partout sur la planète que l’IA est un outil puissant, capable de survolter aussi bien les applications bénéfiques que celles plus néfastes pour l’économie, la société ou l’éducation.

Me Féral-Schuhl est autrice et avocate spécialisée en droit numérique. Elle a été la première femme à présider le Barreau de Paris. Elle a défendu des géants d’Internet à une époque où on s’y connectait par modem téléphonique. Bref, elle a développé une connaissance fine des enjeux liés aux nouvelles technologies, qu’elle incarne depuis quelques années sous la forme d’une personne appelée Adélaïde.

Pour la « génération IA »

« Le numérique est toujours très abstrait », dit-elle en entrevue avec Le Devoir. « Pour capter l’attention du public dans mes conférences, j’ai créé ce personnage, Adélaïde, que j’utilise pour en illustrer les dérives. Ça permet d’aborder des situations plus concrètes — c’est beaucoup plus ludique que des PowerPoint ennuyeux… »

Sa rencontre avec une jeune collègue avocate et illustratrice a mené à la publication ce mois-ci en France d’une bande dessinée : Adélaïde. Lorsque l’intelligence artificielle casse les codes (Dalloz).

« La bédé pose la question des dérives de l’intelligence artificielle dans notre quotidien », explique-t-elle : une jeune femme de 35 ans vit dans une cité intelligente, connectée, collaborative, très respectueuse de l’environnement, très soucieuse du bien-être et de la sécurité des citoyens. Tout est dirigé par une IA à laquelle la famille d’Adélaïde devra faire face. Elle démontre qu’à mesure que l’intelligence artificielle sera intégrée à l’activité humaine, il sera de plus en plus ardu de la critiquer.

« Dans 10 ans, les gens nés avec une IA dans leur biberon, quelle sera leur capacité à contrer l’algorithme ? Quelle sera leur capacité à en identifier les dérives ? » demande Me Féral-Schuhl. Les réponses devront débouler rapidement : des cours de justice en Europe et en Asie automatisent déjà certains jugements grâce à des algorithmes dont on soupçonne qu’ils véhiculent certains biais.

Qui aura l’audace de contester ces jugements quand l’intelligence artificielle sera omniprésente ? demande l’autrice franco-canadienne. « On débarque rapidement sur le terrain de l’équité : chaque personne est unique, chaque contexte crée une singularité qu’on perd dès qu’on bascule dans l’IA », dit-elle.

D’où l’apparition d’Adélaïde. Car parfois, contrairement à l’adage, on a besoin de se faire faire un dessin.

Une IA responsable… de quoi ?

Avec cette édition du Sommet Influence, Zù reprend un thème très à la mode ces jours-ci dans le monde technologique : celui de l’intelligence artificielle éthique et responsable. D’accord, mais responsable de quoi ?

Dimitri Gourdin, directeur général de Zù et organisateur de l’événement, cite l’imposition de plus en plus fréquente des critères ESG — environnementaux, sociaux et de gouvernance — comme condition à l’investissement dans les nouvelles technologies. « La technologie pour la technologie, il y en a trop. Peut-on le faire pour l’avancement de l’humanité ? » demande-t-il de manière un peu rhétorique. « Les entrepreneurs qui visent des gains rapides, on en a assez vu. Nous cherchons plutôt des entrepreneurs qui veulent changer le monde. »

Ouvert au public, le Sommet Influence réunira en différents panels et ateliers des personnalités influentes du monde de l’IA. On y trouvera notamment la directrice générale de Polytechnique Montréal, Maud Cohen, et Sasha Luccioni, responsable de l’IA et des enjeux climatiques dans la jeune pousse franco-américaine Hugging Face, qui s’impose de plus en plus au coeur du développement d’une IA responsable et à code libre. Le milliardaire Guy Laliberté sera également sur place pour remettre deux bourses de 15 000 $ à de jeunes entreprises technologiques prometteuses.

Pour Zù, un incubateur créé originalement pour stimuler l’entrepreneuriat des industries créatives, c’est une façon de confirmer un virage technologique pris dans la dernière année à l’initiative de M. Gourdin. « Nous ciblons toujours les jeunes pousses des industries créatives, sauf que la technologie est très poreuse d’une industrie à l’autre », dit-il.

Il ajoute que le rôle des incubateurs aussi doit évoluer, pour inculquer les bonnes valeurs aux jeunes entreprises qu’elles aident à lancer. « Ce sont les futures grandes entreprises de demain », après tout.

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