LA BANQUE DU CANADA NE DEVRAIT PAS CRAINDRE UNE HAUSSE DES SALAIRES

Les craintes de la Banque du Canada d’une spirale salaire-inflation sont exagérées, estime une étude. Les salaires devraient être rajustés d’après la dernière envolée du coût de la vie sans plus attendre.

En moyenne, les travailleurs québécois ont vu leur rémunération hebdomadaire reculer de 6,5 % depuis le début de la pandémie de COVID-19 lorsqu’on prend en compte l’effet de l’inflation. Une augmentation immédiate de leur salaire pour compenser cette perte de pouvoir d’achat aurait peu d’incidence sur le niveau d’inflation tout comme sur son retour à la cible de 2 % de la Banque du Canada, conclut l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans une étude qui devait être dévoilée jeudi.

Cette conclusion vient répondre à l’appel à la retenue lancé dans les derniers mois par la banque centrale aux employeurs canadiens qui seraient tentés d’offrir à leurs travailleurs des augmentations salariales tellement généreuses qu’elles viendraient entretenir une inflation qu’on cherche, au contraire, à dompter à coups de taux d’intérêt élevés.

 

Or, contrairement à ce que dit craindre la Banque du Canada, « les analyses historiques montrent que les spirales salaire-inflation sont très rares et peu probables en réalité », notent les auteurs de l’étude. Selon leurs calculs, un rattrapage salarial immédiat et généralisé de 6,5 % au Québec ajouterait, au maximum, 0,8 point de pourcentage à l’inflation sur un an. Cette hausse supplémentaire du coût de la vie devrait, elle aussi, être compensée, poursuivent-ils, ce qui pourrait donner une augmentation salariale totale de 7,3 % d’ici mai 2024.

Une telle hausse se traduirait, tout au plus, par un accroissement du niveau des prix de 1,6 % sur trois ans, estiment-ils, « ce qui ne retarderait pas de manière significative le retour au taux d’inflation ciblé par la Banque du Canada ». Ainsi, concluent-ils, contrairement à ce que cette dernière semble penser, « l’objectif des travailleuses et des travailleurs de préserver leur pouvoir d’achat en augmentant leurs salaires et autres revenus n’est pas contradictoire avec l’objectif de ramener l’inflation à des taux proches de la cible souhaitée ».

Dans son dernier portrait d’ensemble de la situation économique canadienne, au mois d’avril, la Banque du Canada constatait que la croissance des salaires sur un an se maintenait aux alentours de 4 % à 5 %. Elle se réjouissait toutefois d’entendre les employeurs lui dire qu’ils comptaient ralentir ce rythme au cours de la prochaine année. Car, expliquait-elle, « à moins que la croissance de la productivité ne devienne étonnamment forte, il ne sera pas possible d’atteindre la cible d’inflation de 2 % si la croissance des salaires se maintient dans cette fourchette de 4 à 5 % ».

Hausse du salaire depuis 20 ans

Mais la Banque devrait mieux savoir, dit l’IRIS. De 2000 à 2022, par exemple, le salaire horaire moyen au Québec a augmenté de 24 %, même une fois neutralisé l’effet de l’inflation et de l’évolution de la composition du marché du travail, c’est-à-dire le déplacement d’une partie de la main-d’oeuvre d’emplois moins bien rémunérés vers des emplois mieux payés. Cela n’a pourtant pas empêché la Banque du Canada d’atteindre sa cible d’inflation de 2 % la majorité du temps.

Cela tient probablement au fait que ces augmentations salariales découlaient notamment d’une amélioration de la productivité, a expliqué au Devoir Raphaël Langevin, coauteur de l’étude de l’IRIS avec Eve-Lyne Couturier. Mais c’est une preuve aussi qu’un retour et le maintien de l’inflation à 2 % sont possibles en même temps que des hausses salariales supérieures à ce niveau.

« On peut s’attendre, en matière salariale, à un retour éventuel aux tendances prépandémiques, explique Raphaël Langevin. Mais si une correction à la hausse n’est pas faite rapidement pour compenser la dernière envolée de l’inflation, on peut craindre que cette perte de pouvoir d’achat ne soit jamais effacée. »

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